Les Thibault, I ++++ (n° 15 110)
Le 7 décembre 2011, j'ai fini le livre de Roger MARTIN DU GARD, Les Thibault, volume I, Folio, Edition 2008, 1 (Le Cahier gris, Le pénitencier, La Belle saison, La Consultation, la Sorellina), 1921-1923
Ce que j'ai beaucoup aimé :
1°) C'est une saga familiale qui a quelque chose qui rappelle Zola mais avec une complexité psychologique des personnages beaucoup plus grande même si l'hérédité n'est pas absente (par exemple le sentiment de force intérieur des Thibault). J'ai adoré !
2°) Il y a vraiment des passages qui sont d'une précision psychologique admirable notamment à propos de la vieillesse :
P 523 : "Comme les êtres les plus droits peuvent vivre à l'aise dans le mensonge"
P 527 à propos de Jérome De Fontanin, un coureur de jupons qui comment à se faire vieux "Ce matin, au tennis, comme il avait souffert ! Tous ces jeunes gens et ces jeunes filles, au regard clair, échevelés par le jeu, le col dégrafé, et les vêtements en désordre dans que rien pût altérer le charme triomphant de leur jeunesse ; tous ces corps flexibles, baignés de soleil, et dont la transpiration même était fraîche et répandait un parfum de santé ! Ah pendant les dix minutes qu'il avait passé là comme il avait cruellement mesuré la disqualification de l'âge ! Comme il avait eu honte et horreur de cette lutte quotidienne qu'il fallait maintenant mener contre lui-même, contre les flétrissures, la malpropreté, l'odeur de la vieillesse ! contre tous les signes avant-coureurs de cette décomposition finale, déjà commencée en lui !" (je trouve ce passage superbe).
Avec en contrepoint, un passage consacré au professeur Jolicourt qui dit p. 765 : "J'aime beaucoup les jeunes gens. Ils m'aident à ne pas vieillir par trop vite. Ils deviennt qu'il y a en moi, sous le professeur de littérature, un vieux poète éminent auquel ils peuvent parler hardiment".
3°) Sur la condition de vie des adolescents de la IIIe République la colonie péitentiaire que finance M. Thibault père en Picardie montre que ce genre de structure fonctionnait bien mal...
4°) Le roman est intéressant en ce qui concerne les préjugés qui existaient encore au début du XXe siècle envers les Protestants (M. Thibault envers la famille De Fontanin).
5°) Sur la colonisation de l'Afrique, ce passage montre toute une dimension souvent peu évoquée p.547 : "Cette liberté des Blancs au milieu des Noirs ! Ici, on ne soupçonne pas ce qu'elle peut être, cette liberté-là ! Aucune règle, aucun contrôle ! Tu n'as pas à craindre le jugement d'autrui ! Saisis-tu ? Peux-tu comprendre ça ? Tu as le droit d'être toi-même, partout et toujours. Tu es aussi libre devant tous ces noirs que tu l'es ici; devant ton chien. Et en même temps, tu vis au milieu d'être délicieux, pleins d'un tact et de nuances dont tu n'as pas idée !"
6°) J'ai découvert que la chason "A la pêche aux moules, je ne veux plus aller, maman" existait déjà au début du XXe siècle !
"Presque aussitôt, il sourit aigrement : "Le plus déroutant, c'est que, si l'on y regarde attentivement, ma vie - cette fameuse "liberté complète" pour laquelle il n'y a ni bien ni mal - elle est à peu près uniquement consacrée à la pratique de ce que les autres appelent le bien".
8°) On trouve la clé qui permet de comprendre nombre des personnages des Thibault à la fin de ce volume, p. 868 dans des propos de Jacques Thibault " On éprouve quelquefois des choses... On a des espèces d'élans vers ceci... ou cela.. Des élans qui jaillissent du plus profond ... N'est-ce pas ? ... On ne sait pas si les autres éprouvent la même chos, ou bien si on est... un monstre !.. Comprends-tu ce que je veux dire, Antoine ? [...] Pour nous autres, qui ne savons pas, c'est terriblement angoisant, vois-tu... Ainsi tiens, un exemple : quand on a treize, quatorze ans, ces désirs inconnus qui montent comme des bouffées, ces pensées troubles qui vous envahissent sans qu'on puisse s'en défendre, et dont on a honte, et qu'on dissimule douloureusement comme des tares... Et puis, un jour, on découvre que rien n'est plus naturel, que rien n'est plus beau même... Et que tous, tous comme nous, pareillement... Comprends-tu ? Eh bien voilà, il y a des choses obscures... des instincs... qui se dressent et pour lesquels, même à mon âge, Antoine, même à mon âge... on se demande... on ne sait pas..."
9°) Ce roman montre le caractère irrationnel de l'être humain avec par exemple la façon dont Rachel quitte Antoine, dont Mme de Fontanin accepte le caractère volage de son mari, dont Jacques cherche à comprendre sa relation avec Jenny De Fontanin.
Ce que j'ai moins aimé :
1°) Le roman est un peu naïf concernant "l'amitié particulière" entre Jacques et Daniel par laquelel commence le roman. Cela peut, peut-être, permettre à certains parents de se rassurer !
2°) Il y a quelques pages qui sont mal imprimées... Les éditions Folio ce n'est plus ce que c'était !
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